Quand l’histoire d’une petite ferme de Suisse Romande commence à s’écrire au féminin après cinq générations d’hommes, c’est un nouveau chapitre qui commence.

Ophélie a tout juste 25 ans quand je la rencontre pour la première fois. Elle est fraîchement diplômée Ingénieure en Gestion de la Nature option Agriculture de l’HEPIA*.

Le projet sur lequel elle travaille activement, c’est la reprise de l’exploitation agricole familiale après le départ en retraite de son père. Et c’est pour bientôt. Un hangar, des machines, près de 35 hectares de grandes cultures, 1,2 hectares de vignes, des boxes à chevaux et un projet ambitieux d’agriculture de proximité durable et respectueuse. Colossal et courageux aux yeux de beaucoup.

La jeune femme fait équipe avec Robin et Cyril pour monter son projet, mais c’est bien elle la cheffe d’entreprise. Ce qui n’était pas une évidence au départ s’est imposé à elle au fil du temps. Faire sa place en tant que femme, fille, ingénieure, assumer un regard neuf et novateur sur une exploitation dont elle est la cinquième génération, et la première femme.

Ce n’est pas rien. Pour son père non plus, ce n’était pas une évidence. Transmettre la ferme à sa fille n’était d’ailleurs pas une option avant qu’Ophélie ne le demande, par peur de lui imposer quelque chose qu’elle ne voudrait pas et qui l’empêcherait de réaliser d’autres rêves. Peut-être aussi, parce qu’aujourd’hui encore, la tradition en Suisse veut qu’un ferme soit remise à un homme plutôt qu’à une femme. Selon l’Office Fédéral de la Statistique, 93 % des exploitations agricoles suisses seraient dirigées par des hommes.

Comme dans bien d’autres pays d’Europe et du monde, il est question ici de la transmission de terres à la jeune génération, d’enjeux liés à l’agriculture et à la durabilité, mais surtout de la place que les femmes prennent et revendiquent dans un milieu où les valeurs patriarcales sont encore bien ancrées.